Partager sur

DIAGNOSTICS DPE : SUSPENSION DU NOUVEAU MODE DE CALCUL


Publié le 04 octobre 2021

 

 

Le nouveau diagnostic de performance énergétique (DPE), que doit fournir tout vendeur ou bailleur d’un logement, montre d’inquiétants dysfonctionnements depuis que son calcul a été modifié, le 1er juillet. Ce document classe les logements selon leurs performances énergétiques et, désormais, leurs émissions de gaz à effet de serre, en sept catégories, de A, la meilleure, à G, la pire. L’enjeu est important, car environ 4,8 millions de logements, soit 17 % du parc, déjà étiquetés F et G et considérés comme des passoires thermiques, seront progressivement interdits à la location à partir de 2025, quand la catégorie G sera exclue ; la F le sera en 2028, et les logements notés E, au nombre de 7 millions avant la réforme, seront inlouables à partir de 2034.

 

Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, présentait, le 16 février, le nouveau DPE comme « un outil rénové, plus fiable, plus lisible, plus transparent, et prenant mieux en compte les enjeux climatiques ». Or, le 24 septembre, son ministère a annoncé la suspension, « en raison de résultats anormaux détectés », de l’édition des DPE pour tous les logements datant d’avant 1975, soit 207 000 sur les 384 000 établis depuis le 1er juillet. La ministre déléguée au logement, Emmanuelle Wargon, doit recevoir, ce lundi 4 octobre, les représentants des diagnostiqueurs, des agences immobilières et des éditeurs de logiciels pour « identifier les anomalies et apporter les corrections nécessaires ».

 

Des outils « pas prêts »

« Nous savions que les outils n’étaient pas prêts et avions demandé, en vain, un report de six mois, rappelle Lionel Janot, président de la Fédération interprofessionnelle du diagnostic immobilier, car le ministère nous avait promis de tester les logiciels sur cent cinquante cas types, mais n’en a fourni que douze, entraînant beaucoup d’incohérences, notamment pour les immeubles anciens d’avant 1975, dont les modes de construction et les matériaux sont bien plus hétérogènes et moins standardisés que [ceux des] années suivantes. C’est dommagecar toute la loi Climat et résilience repose sur le DPE. »

 

« Les résultats sont aberrants, ils dégradent les appartements sans qu’on comprenne pourquoi », détaille Christophe Demerson, président de l’Union nationale des propriétaires immobiliers, qui cite le cas de trois appartements d’un immeuble datant de 1967, situé à Sartrouville (Yvelines), classés G et dont les consommations en chauffage ont été estimées, par le diagnostiqueur, entre 40 % et 60 % au-dessus de la moyenne des consommations réelles des trois dernières années et, pis encore, pour celles d’eau chaude, estimées à 300 % et 1 000 % au-dessus de la réalité.

« La profession de diagnostiqueur est à nouveau désignée comme bouc émissaire alors que nous nous sommes professionnalisés et formés », proteste Denis Mora, président d’AC Environnement, société leader du secteur. Il conteste la suspension – « cet arrêt en catimini, sans concertation, sans valeur juridique, ce qui nous contraint à mentionner que nos diagnostics ont une simple valeur indicative et ne sont plus opposables » –, qui met la profession « en difficulté face aux clients ayant besoin de ces diagnostics pour vendre ou pour louer ».

Mme Wargon assure que la correction sera très rapidement apportée, par arrêté à paraître le 8 octobre. Dès lors, les 80 000 DPE des logements classés F ou G seraient automatiquement recalculés, sans frais pour les propriétaires ; pour les 105 000 classés D ou E, leur réexamen sera réalisé sur demande des propriétaires, l’Etat s’engageant à indemniser les diagnostiqueurs.

 

Les énergies fossiles pénalisées

Une autre inquiétude des bailleurs privés comme publics concerne la philosophie même du nouveau DPE, qui, dans sa note globale, intègre le niveau de gaz à effet de serre, accordant un poids déterminant à l’énergie utilisée. Les énergies fossiles, charbon, fuel et gaz, sont pénalisées, tandis que l’électricité est favorisée. Un nombre significatif de logements, notamment ceux chauffés au gaz, vont, d’un coup, voir leur note se dégrader. Or les bailleurs sociaux, à la tête d’un parc de 5,6 millions de logements, ont, dans leur volonté d’alléger les charges de leurs locataires, converti massivement, dans les années 2000, les chauffages à l’électricité en chauffages au gaz, dont est désormais équipé 75 % de leur parc.

 

« Nous devons, bien sûr, aller vers la neutralité carbone, admet Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat, qui fédère les 434 organismes HLM de France. Mais il n’existe pas de solution de chauffage collectif à l’électricité, et trouver des solutions demande du temps et nécessite des investissements colossaux, que nous estimons à 70 000 euros par logement pour chacun des 1,2 million de logements à traiter, soit entre 40 et 70 milliards d’euros. »

Quant aux bailleurs privés, ils ne sont pas moins inquiets, puisque près de la moitié (48 %) de leur parc locatif – qui compte 7,3 millions de logements – relève des étiquettes E, F et G, et pourrait donc être petit à petit interdit à la location à partir de 2025.

 

Isabelle Rey-Lefebvre

 

 

 

Contact


Pour toutes informations, contactez nous. Il vous suffit de compléter ce formulaire et nous ferons de notre mieux pour y répondre au plus vite.